Le domaine du Vivant est par essence extrêmement complexe. Or la complexité exige une approche interdisciplinaire, transversale et globale. Santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes sont intimement liées et ne doivent plus être cloisonnées. C’est pourquoi le concept « One Health-Une seule santé » doit être mis en pratique et devenir un véritable réflexe.

Nous avons pu malheureusement constater pendant la crise Covid-19 que les vétérinaires français, qui avaient proposé leur aide, n’ont pas été suffisamment associés à la gestion de cette crise : absence de vétérinaire au Conseil scientifique national, quasi-absence de recours aux vétérinaires volontaires dans le cadre de la réserve sanitaire, autorisation tardive et limitée des laboratoires vétérinaires départementaux, répartis sur le territoire national, pour effectuer les tests dans le cadre de la stratégie « tester, tracer et isoler », alors qu’ils disposent de l’expérience et des moyens leur permettant d’effectuer jusqu’à 300.000 analyses par semaine …

Et pourtant, les vétérinaires connaissent bien les coronavirus ; le premier Coronavirus a d’ailleurs été découvert par un vétérinaire américain en 1931 (bronchite infectieuse des volailles).

Le vétérinaire est une véritable sentinelle sanitaire. Sa démarche de médecine des populations, son expérience de la gestion de maladies contagieuses, son implication dans la maîtrise des zoonoses, ses actions relatives à la sécurité sanitaire des aliments sont indispensables et méritent d’être davantage utilisées dans le domaine de la santé publique. C’est pourquoi un bon maillage vétérinaire du territoire est indispensable.

S’agissant de la lutte contre l’antibiorésistance, force est de constater que le monde vétérinaire s’est mobilisé avec des résultats très positifs des plans Ecoantibio 1 et 2.

La contribution vétérinaire n’est pas seulement scientifique et technique. Confronté aux réalités de la société et en particulier du monde agricole, attentif au bien-être humain et au bien-être animal, le vétérinaire joue un rôle majeur dans les domaines sociologique et économique.

Par conséquent, les vétérinaires ont une place cruciale à occuper dans la mise en application du concept « Une seule santé » et doivent être étroitement associés aux politiques sanitaires.

Le professeur de médecine Didier Sicart, ancien président du Comité national d’éthique, a déclaré lors d’une interview sur France Culture, le 10 novembre, que les « les vétérinaires sont des professionnels très importants qui doivent être associés.(…) Ils ne sont pas suffisamment respectés. (…). Ils représentent une profession très savante ».

L’approche « Une seule santé » ne doit pas demeurer uniquement conceptuelle mais doit se traduire par des actions et des projets concrets, avec une vision systémique à toutes les échelles (locale, nationale et mondiale).

L’échelon local est un maillon essentiel : surveillance, prévention, détection précoce et réaction rapide, mesures de biosécurité, traitement, prophylaxie sont au cœur d’un dispositif sanitaire efficace.

Au niveau national il est nécessaire d’améliorer la gouvernance avec une coordination interministérielle « Une Seule Santé », une évolution du CNOPSAV (Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale) et du CNA (Conseil national de l’alimentation), l’intégration de l’approche « Une Seule Santé » dans le PNSE4 (Plan national santé-environnement 4) et dans la Stratégie nationale pour la biodiversité, une bonne collaboration entre les différentes plates-formes (santé animale, santé végétale, sécurité de la chaîne alimentaire).

Le Comité national de la santé publique vétérinaire (CNSPV), créé en 2014 avec des représentants publics et privés du monde médical et vétérinaire, ne se réunit plus depuis quelques années. Il est urgent qu’il soit réactivé, en incluant des représentants du monde de l’environnement et modifiant sa dénomination : Comité national « Une seule santé ».

Il est par ailleurs nécessaire de faire évoluer la formation avec la création de troncs communs entre facultés de médecine et écoles vétérinaires, le développement de diplômes « One Health », comme celui qui est déjà dispensé par l’Ecole nationale des services vétérinaires (ENSV), la mise en place d’un cycle de Hautes études « Une seule santé ».

Il convient d’effectuer régulièrement des exercices de simulation et de modélisation de diffusion d’agents pathogènes (exemple de l’outil développé pour la fièvre aphteuse par EuFMD).

Toutes ces actions doivent bien sûr s’insérer dans le cadre européen (nouvelle PAC, Pacte Vert, Stratégie Farm to Fork, Stratégie biodiversité, Loi santé animale, Paquet hygiène…).

L’enjeu est de mieux gérer les crises sanitaires mais surtout de les anticiper et de les éviter.

Les préoccupations formulées et les pistes d’actions évoquées sont en cohérence avec les constats et projets exposés dans la feuille de route Emeraude qui a bien intégré la démarche « One Health ».

« Une seule santé » est l’affaire de tous, en en particulier des vétérinaires, en faveur de la Vie !

 

Jean-Luc Angot, 10 décembre 2020

 

Jean-Luc Angot, Docteur vétérinaire, est président de l’Académie Vétérinaire de France.

Il a été directeur général adjoint de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) puis chef des Services vétérinaires français. Il préside actuellement la section Prospective & International du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).

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