Dans le cadre de la crise sanitaire, et fort de leur expertise de longue date dans le domaine de la prévention et de l’analyse des maladies, les laboratoires vétérinaires se sont mobilisés très tôt pour venir en renfort aux laboratoires de biologie humaine. EMERAUDE s’est intéressé à cet engagement, qui s’inscrit pleinement dans la logique One Heath, à travers l’exemple de la collaboration entre RESALAB et XLABS qui aura permis notamment, en pleine pandémie, de réaliser jusqu’à 3000 tests PCR Sars Cov-2 par jour au sein des laboratoires vétérinaires RESALAB.

Interview Dr. Dominique BALLOY 

 

Avant de rentrer dans l’exemple de cette collaboration entre ces deux types de laboratoires pour aider à faire face à la crise COVID, comment les laboratoires vétérinaires fonctionnent-ils ?

Les laboratoires vétérinaires comme RESALAB, groupe dont je suis le co-gérant, ou d’autres, comme FINALAB ont été créés par des vétérinaires en productions animales dans les années 80. Au départ outils de diagnostic, leur panel d’analyse s’est enrichi pour pouvoir parfaire la biosécurité des élevages (analyses d’eau, analyse d’environnement), maitriser l’antibiothérapie (bactériologie, antibiogrammes), établir des plans de vaccination et de surveillance sanitaire (sérologies, PCR…) contrôler l’hygiène alimentaire. Ces vétérinaires se sont ainsi dotés de leurs propres plateaux techniques qui vont aujourd’hui de la coproscopie au séquençage, pour assurer un rôle de conseil et de prévention des maladies. La surveillance des zoonoses, la lutte contre l’antibiorésistance (avant même la mise en place du Plan Eco Antibio) qui y sont pratiquées en font déjà une démarche One Health dont on voit l’importance à l’occasion de la crise sanitaire actuelle.

Quel a été le tournant dans la préparation des laboratoires vétérinaires à des crises du type de celle que nous connaissons ?

A partir de 2000, les crises de plus en plus fréquentes – et notamment l’Influenza Aviaire -, ces épizooties médiatisées et surmédiatisées, ont amené nos laboratoires vétérinaires à obtenir l’accréditation COFRAC pour les tests PCR Influenza. RESALAB a été accrédité PCR COFRAC selon la norme NFU 47-600 en 2017.

Nous avons dû nous adapter pour réaliser des tests en masse, en peu de temps, et avoir, pour ce faire, des locaux adaptés, du matériel spécifique et des personnels formés, avec une capacité à travailler en urgence, week-end compris.

RESALAB était de ce fait déjà prêt au moment de l’émergence de la COVID-19 et disposait de l’ensemble des équipements et du personnel pour proposer son appui dans la crise. Et disposait d’une vraie culture de la qualité et de la réactivité.

Comment avez-vous réagi au moment de l’émergence de la COVID-19 ?

La crise a pris tout le monde de vitesse et nul n’avait anticipé son ampleur. Dès le 1er confinement, l’ensemble des équipes est resté en poste et le matériel de protection – masques notamment – a été mis à disposition pour toutes et tous. Par ailleurs, 3000 masques ont été donnés aux Hôpitaux de Cholet et de la Roche-sur-Yon qui n’en disposaient pas à ce moment-là.

Les équipes RESALAB ont souhaité immédiatement proposer leurs services pour réaliser des tests Covid et des allers/retours avec les services administratifs nationaux ont eu lieu, suivis de contacts directs avec l’ARS au niveau régional. En sortie de ce 1er confinement, le besoin d’appui et de mobilisation se faisait de plus en plus urgent et nous avons renforcé les relations avec le laboratoire de biologie humaine XLABS avec lequel nous collaborons régulièrement et avec lequel nous partageons une culture commune en termes d’engagement et de professionnalisme.

Le laboratoire de biologie humaine a assuré les prélèvements et les tests PCR Sars Cov 2 ont été réalisés au sein de RESALAB. En venant en appui à ce laboratoire, nous avons fait en sorte d’assurer le respect d’un délai de moins de 24 heures pour le résultat des tests (aujourd’hui moins de 12 heures), une gageure dans le contexte de l’époque. Nous avons ainsi pu réaliser jusqu’à 3000 tests par jour, avec notamment la mise en place d’un système de drive depuis la polyclinique de Cholet.

 

Quels enseignements retenez-vous de cette collaboration santé animale – santé humaine ?

La réussite d’une telle collaboration réside dans différents points :

  • Des valeurs partagées entre la direction et les équipes des deux laboratoires sur le service, l’engagement et la qualité de la prestation : il nous fallait être à la fois extrêmement réactif et extrêmement professionnels afin d’assurer la qualité et la fiabilité des tests réalisés ;
  • Des investissements importants en personnel et en matériel, en sachant notamment gérer au plus près les besoins de consommables : nous en avions l’expérience dans le cadre de la gestion de la crise de la grippe aviaire et cette expérience nous a aidés à faire face à cette nouvelle crise ;
  • Une capacité à anticiper l’organisation à mettre en place dans une période de crise inédite comme celle-ci : là encore, notre capacité à réagir rapidement en cas de crise, et ce sur des troupeaux importants, donc avec des échelles de test importantes, a été un atout ;
  • Une collaboration sans faille et un engagement de nos collaborateurs(trices) qui n’ont jamais failli même au plus fort de leur sollicitation en horaires décalés et le week-end.

Enfin, l’existence des réseaux sentinelles a permis d’anticiper/ prévenir et de savoir agir rapidement grâce à la relation déjà en place entre santé animale et santé humaine : certes, entretenir un tel réseau représente un coût mais ce coût est à mettre en regard avec la capacité à gérer rapidement des crises lorsqu’elles surviennent et à en limiter l’impact. Il ne s’agit en réalité pas d’un coût mais d’un investissement pour l’avenir, quand on comprend à quel point santé humaine, santé animale et biodiversité sont liés et combien une crise comparable peut à nouveau avoir lieu.

Cette crise et cet exemple de collaboration santé animale – santé humaine nous montre à quel point One Health – Une seule santé n’est pas un simple concept mais une manière de travailler et qu’il est plus urgent que jamais qu’elle se mette en place de manière effective. La nomination récente d’un représentant de la médecine vétérinaire au sein du Conseil Scientifique, instance chargée de conseiller l’exécutif dans la gestion de l’épidémie, est un premier pas que nous saluons. Et la mise en place prochainement d’un Conseil d’experts de haut niveau “ One Health ” sera une étape essentielle dans la prévention des épidémies mondiales.

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